La Suisse paiera plus que prévu pour ses 36 F-35 américains après l’échec des discussions visant à sécuriser un prix ferme, a annoncé mercredi le Conseil fédéral.
L’accord de 6 milliards CHF signé en 2022 avait été présenté comme un contrat à prix fixe. Mais les négociations menées cet été pour verrouiller le coût ont échoué, Washington refusant de changer de position. Selon le gouvernement, des entretiens intensifs avec de hauts représentants de la Maison Blanche n’ont rien donné. Le conseiller fédéral Martin Pfister, en charge de la Défense, n’a pas davantage abouti lors d’un entretien téléphonique récent avec le secrétaire américain à la Défense Pete Hegseth.
Berne anticipe désormais des coûts additionnels compris entre 650 millions et 1,3 milliard CHF (environ 808 M$ à 1,6 Md$). ''La Suisse doit accepter que le prix par lot de production corresponde à la valeur négociée entre le gouvernement américain et Lockheed Martin'', précise le Conseil fédéral. La facture finale dépendra notamment de l’inflation aux États-Unis, des prix mondiaux des matières premières et d’éventuelles modifications tarifaires.
Malgré cette hausse, l’annulation de l’achat n’est pas une option. Le gouvernement charge le Département fédéral de la défense de réévaluer l’acquisition et d’explorer plusieurs options d’ici fin novembre.
Cette évolution intervient après semaines de critiques politiques. En juillet, des élus de tous bords ont dénoncé un manque de transparence et un défaut d’exécution contractuelle après des informations évoquant des demandes américaines jusqu’à 1,7 Md$ au titre de l’inflation et de la hausse des coûts.
Le directeur d’Armasuisse, Urs Loher, a déclaré: ''Un contrat est un contrat. Avec l’acquisition du F-35A, nous nous retrouvons soudain face à une autre réalité, malgré un prix clairement fixé.''
L’opposition accuse l’exécutif d’avoir trompé le public pour obtenir l’adhésion à l’achat. Fabian Molina (Parti socialiste) évoque des ''mensonges et tromperies'', tandis que Corina Gredig (Verts’libéraux) appelle le gouvernement à ne pas céder aux exigences américaines. L’UDC dénonce un ''fiasco des coûts'' et une situation ''honteuse''.
Des doutes ressurgissent aussi sur la procédure de sélection 2022 : le Rafale français -que des pilotes des Forces aériennes suisses auraient préféré selon certaines sources- avait été écarté. Le conseiller national Pierre-Alain Fridez affirme que les critères d’évaluation auraient favorisé le F-35 et que l’argument du prix fixe a servi de justification.
Le comité de gestion du Conseil national mène un audit de l’acquisition; il examinera les documents pertinents et sollicitera des experts. Sur le plan de l’opinion, l’hostilité demeure élevée: un sondage d’avril de Leewas indique que près des deux tiers des Suisses sont opposés à l’achat. Plus de 42 500 personnes ont signé la pétition de l’Alliance Stop F-35 visant à bloquer le contrat ; une votation en 2022 avait été écartée par le département de la Défense, invoquant des échéances contractuelles.