Le groupe français Thales accélère ses travaux sur les technologies quantiques, avec pour objectif de transformer ses capteurs militaires en instruments ultra-performants capables de s’affranchir du GPS ou de détecter les menaces invisibles, comme les sous-marins nucléaires en immersion.
Développés dans ses laboratoires en région parisienne, ces capteurs exploitent les principes de la physique quantique, permettant des performances jusqu’à 10.000 fois supérieures à celles des technologies classiques. Leur miniaturisation ouvre la voie à des systèmes embarqués sur drones, avions ou satellites.
Navigation sans GPS, détection sous-marine et cybersécurité
Parmi les projets phares, une antenne quantique de quelques centimètres, conçue au laboratoire Albert-Fert, serait capable de détecter des champs électromagnétiques basse fréquence dans le milieu sous-marin — une capacité qui nécessiterait aujourd’hui une antenne de 600 mètres.
En parallèle, Thales Research & Technology développe des centrales inertielles basées sur des atomes froids pour permettre la navigation autonome, même sans signal externe. Grâce à la photonique intégrée, les scientifiques miniaturisent les bancs optiques nécessaires au refroidissement atomique. Véronique Guegan, VP Recherche chez Thales déclare:
"Ces technologies vont amener des ruptures majeures, Elles offrent un gain stratégique en connaissance du champ de bataille, cybersécurité et rapidité de conception."
Réponses aux menaces contemporaines
L’utilisation intensive des drones, du brouillage GPS et des cyberattaques, notamment observés en Ukraine, impose aux industriels un nouveau rythme. Les capteurs quantiques pourraient sécuriser les communications militaires et garantir la résilience des systèmes en cas de déni de service GPS. Carina Kiessling, physicienne chez Roland Berger alerte:
"Les interférences électromagnétiques s’étendent jusqu’à Berlin, ce qui inquiète les États européens"
Course mondiale et enjeux stratégiques
La course au quantique, que Thales compare à celle de la conquête spatiale, se heurte toutefois à la puissance de feu financière des États-Unis et de la Chine. Faute d’acteurs équivalents aux GAFAM ou à IBM, l’Europe mise sur le soutien public et le capital-risque. Jean-François Bobier, expert quantique chez BCG déclare:
"En science, l’Europe reste dans la course, mais les investissements américains sont sans commune mesure".
Vers une autonomie stratégique française ?
Le ministère des Armées, par la voix de Sébastien Lecornu, a récemment affirmé que la souveraineté française dans le quantique demanderait des efforts similaires à ceux déployés dans les années 60 pour le nucléaire.
D’ici 2030, Thales prévoit les premiers tests opérationnels de ses capteurs quantiques dans l’espace et en milieu sous-marin. Ces innovations pourraient redéfinir les standards de la supériorité technologique militaire en Europe.